Quand la roue tourne… l’Histoire se répète

Publié le par Gilles William GOLDNADEL

La faute d’Enderlin

Quelques jours après la divine surprise constituée par la déconfiture judiciaire infligée à France 2 et à son collaborateur, il n'est pas trop tôt pour tirer quelques conclusions politiques et médiatiques issues de cette affaire et de ses retombées.

Par Gilles William GOLDNADEL

 

Mais tout d'abord, à tout seigneur, tout honneur : félicitations à Philippe Karsenty pour sa persévérance, sa pugnacité, sa ténacité. Pour avoir fait de ses défauts, ses principales qualités au service de notre cause commune : l’information honnête, il mérite notre reconnaissance.

J'ai d'autant plus plaisir à l'écrire que mes relations avec l'homme ont, parfois, été difficiles.

 

Certes, et ainsi que je l'ai toujours indiqué, la Cour d'Appel n'a pas constaté l'éventuelle supercherie. Elle ne l'a pas fait, parce qu'elle ne pouvait pas le faire.

Il n'empêche. Les attendus de son arrêt, constatant la bonne foi de Karsenty, claquent – et nous y reviendrons – comme autant de soufflets sur la joue de Charles Enderlin.

Certes encore, il convient de relativiser le caractère surprenant de cette décision. Ainsi que je l'ai noté dans mes « Conversations » avec Alexandre Adler, depuis quelque temps, le vent a commencé à tourner dans les prétoires parisiens. Le fait que ce soit cette Chambre qui, il y a encore quelques années, vit son arrêt cassé pour avoir décerné un brevet d'universalisme à Dieudonné pour ses déclarations sur « le judaïsme, première des escroqueries » n'en est pas l'exemple le moins démonstratif.

 

C’est la dernière fois que l’on voit al-Dura filmé par la caméra de Talal : Il a la main sur ses yeux et non sur son ventre, censé mortellement atteint. Il lève son bras et regarde aux alentours. Enderlin l’avait déjà déclaré mort dans la scène précédente, et (par conséquent ?) a coupé cette scène de son document diffusé.Mais revenons à l'arrêt : je n'en citerai qu'un seul passage, accablant pour la chaîne de télévision et son journaliste, traité de menteur : « la thèse dite de la Mena, sujet de l'ouvrage de Gérard Huber sorti en janvier 2003 sous le titre "contre-expertise d'une mise en scène", qui infère, du fait qu'on voit de jeunes palestiniens mettant à profit la présence de caméras pour jouer des scènes de guerre et de blessures, le caractère fictif de la mort du jeune Mohamed Al Dura, reprise par Philippe Karsenty, s'est appuyé sur les réticences persistantes de France 2 a laissé visionner les rushes de son cameraman, sur l'imprudente affirmation, par Charles Enderlin, qu'il aurait coupé au montage les images de l'agonie de l'enfant et sur les déclarations faites par plusieurs journalistes ayant visionné les rushes ».

 

J'avais toujours dit et écrit que Charles Enderlin avait, dans le meilleur des cas pour lui, commis le mensonge par imprudence le plus grave de l'histoire du journalisme audiovisuel, en affirmant péremptoirement, sans la moindre preuve, par préjugé, par facilité, par démagogie que le « petit Mohamed » était mort sous les balles israéliennes.

Mensonge le plus grave, car c'est au nom de ce symbole enfantin du martyrologe de la soldatesque sioniste, que des milliers depuis sont morts, jusqu'à Daniel Pearl, égorgé sous la photo de l'enfant-icône.

Aujourd'hui, à la lecture de l'arrêt de justice, la thèse d'une supercherie dont le journaliste aurait été peut-être lui-même la victime trop docile et bienveillante sort renforcée.

 

Je ne souhaite pas piétiner Charles Enderlin. Je ne l’ai jamais considéré comme le « traître » que d'aucuns ont dépeint.

Je rappellerai simplement qu'il vit encore en Israël et qu'il a servi dans les parachutistes.

Je ne partage certes pas sa vision convenue du conflit proche-oriental, mais je la respecte.

Sa faute est ailleurs. Tellement plus banale. Tellement plus affligeante.

Enderlin, comme tant d'autres, sans le savoir sans doute, aime être du côté du manche.

C'était tellement facile, en pleine intifada, de désigner des casqués en kaki à la vindicte internationale. Et on a vu le succès de la cassette distribuée gracieusement au monde entier par une chaîne publique française extatique.

Comme il semblait facile, au nom de la même chaîne, de poursuivre devant une justice française que l'on savait   si rétive aux thèses hiérosolomites quelques inconnus que l'on voulait faire passer pour des fous ou des extrémistes, ou comme l'a dit mon confrère Szpiner, plaidant pour France 2 « un mélange de Faurisson et de Thierry Meyssan ».

J’en sais quelque chose. Moi, à qui on reproche régulièrement cette odieuse manifestation de protestation, crime de lèse-majesté suprême contre la liberté de la presse, devant le siège de France 2.

D'autres, syndicalistes, amis de Dieudonné ou simples trublions, ont interrompu violemment des émissions en direct, pour moins que cela, sans encourir autant de critiques outragées.

Retour sur Enderlin et anecdote significative. Quelques jours après le lynchage des deux malheureux réservistes israéliens égarés dans Ramallah, par une foule les déchiquetant littéralement à pleines dents, une amie commune, officiant comme journaliste dans la même chaîne que le journaliste débouté, l'appelle devant moi pour recueillir ses commentaires après que la R.A.I, ainsi qu'on s'en souvient peut-être, se soit empressé d'indiquer à l’Autorité Palestinienne qu'elle n'était absolument pour rien dans la diffusion des images du carnage :

- Alors Charles, c'est vrai que les journalistes étrangers en Palestine ont la trouille ?

- Dis plutôt qu'ils sont terrorisés. Mais bon, je ne t'ai rien dit...

Tout était dit au contraire. D'un côté, la certitude du scoop, avec des commentaires dans le sens du poil. De l'autre, la crainte révérencieuse de déplaire.

Viennent ensuite, seulement ensuite, les justifications, les approximations, les mensonges.

 

Mais cessons de tirer sur cette ambulance médiatique, et osons encore deux conclusions :

 

- hormis dans le landerneau communautaire ou pro-israélien habituel, quel média a annoncé la décision judiciaire ? A l'exception de France 2, le mercredi soir, dans un communiqué incompréhensible même pour les plus avertis annonçant un pourvoi : aucun.

Les quotidiens de la presse écrite, qui avaient annoncé copieusement  la décision de première instance, se sont bien gardés, pour l’heure, avec un bel esprit corps, de tout commentaire.

 

- la commémoration par la même presse du 60ème anniversaire de l'État juif a été, dans l'ensemble, de très haute tenue.

Rien à voir avec les analyses quotidiennes, et toujours en cours, sur le conflit israélo-palestinien qui font la part belle aux thèses arabes (« la faute à la colonisation ») tout en occultant soigneusement les problèmes d'Israël (les attentats, le refus arabe d'un État juif).

Tout se passe ainsi comme si, y compris dans le cas Mohamed Al Dura, après avoir perdu la bataille de l'actualité, Israël finissait toujours par gagner celle de l’Histoire.

Toujours ?

Publié dans Média

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Y
Dans votre article, vous établissez un parallèle entre Enderlain et Pétain:<br /> Enderlain aurait servi dans les parachutistes; ce qui ne l'a pas empêcher de provoquer un déferlement de haine sans précédent contre Israël et les Juifs.<br /> Pétain, lui aussi, s'était fait remarquer pour sa détermination militaire pendant la première guerre mondiale, ce qui ne l'a pas empêché de capituler.<br /> Je suppose que ce rapprochement n'est pas volontaire dans votre texte. Il n'en demeure pas moins intéressant.
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